Kazimierz Glaz le fondateur du sensibilisme

 Kazimierz Głaz est diplômé de l'Académie des Beaux-Arts de Wrocław, créateur du terme "sensibilisme", un courant dans l'art du XXe siècle, se référant uniquement à l'intelligence et à la sensibilité des artistes. Glaz est peintre, graphiste, écrivain, éditeur de livres, bibliophiles, philanthrope. À la Biennale de la Jeunesse de Paris en 1965, sur proposition de Marc Chagall, il reçoit le Prix Érasme, en tant que boursier de la Fondation Károlyi. Il séjourne également dans le sud de la France à Vence. Les peintures de Kazimierz Glaz ont été présentées dans de nombreuses expositions collectives et individuelles au Canada, aux États-Unis, en France, en Allemagne, au Brésil et en Pologne, notamment à la célèbre galerie d’art contemporain Zachęta à Varsovie, au Musée national de Wrocław ou au Centre culturel international de Cracovie. Depuis plus de 50 ans, il vit et travaille à Toronto. Ses œuvres se trouvent dans de nombreux musées en Pologne et à l'étranger.

Ésotérique”, gouache, Musée de Silésie à Katowice
 
Ésotérique”, gouache, Musée de Silésie à Katowice

 

Débuts 

Kazimierz Głaz est né en 1931 à Borki Nizinskie, dans le sud-est de la Pologne. En 1950-1956, il étudie la peinture monumentale à la Faculté de céramique et de verre de l'École supérieure d'État des beaux-arts, aujourd'hui l'Académie de Wroclaw. Le jeune artiste, comme beaucoup de ses confrères de l'époque, cherche sa propre voie artistique et ses propres moyens d'expression. Il s’installe ensuite Walbrzych, où il effectue son stage de diplôme. Il est le premier résident artiste à produire des lithographies et travaille dans l'atelier graphique Kalkomania. L’environnement de cette petite ville, proche de la frontière tchèque, un véritable désert culturel, avec ses paysages vallonés et naturels, est pour lui plus intéressant que celui de grandes villes. Comme le rappelle Kazimierz Glaz, "il a ressenti le besoin de faire quelque chose là-bas, d'agir". C'est à Walbrzych qu'est né le sensibilisme.

 

Sans titre, gouache, Galerie Zacheta à Varsovie, photo Anna Pietrzak-Bartos
"L'Essence'', huile sur toile, Centre de la sculpture polonaise à Oronsko


Sensibilisme

Kazimierz Glaz crée d'abord le „berceau indépendant du sensibilisme”, il s'agit de représentations théâtrales avec des acteurs professionnels, organisées dans des cafés. En 1957, un spectacle intitulé „Le sensibilisme, c'est-à-dire, ne pas faire du public un ballon” (qu’on pourrait traduire en français par „ne pas prendre les gens pour des poires”), préparé avec Michal Jedrzejewski et un groupe d'amis de Wroclaw. La représentation est considérée comme le premier événement du genre en Pologne.

Parallèlement, Glaz dresse les principaux postulats du sensibilisme. Il s’agit d’un courant est majeur de l’art, couvrant tous les domaines de la création : beaux-arts, théâtre, cinéma et littérature. Tout d'abord, c'est un art du ressenti, il n'y a pas de limites, il ne définit pas ce qui peut être fait et ce qui ne l'est pas. Son idée est basée sur l'ambiguïté. Ce qui est sensibiliste signifie être sien, une création à partir de sa propre expérience, définie dans le temps et dans l'espace par une personne qui raconte sa propre histoire. Dans l'une de ses interviews, Kazimierz Glaz précise cette définition : La plus haute conscience humaine, mais tous les artistes n'ont pas une telle conscience qui peut être comparée à l'état de grâce ou le Satori dans le Zen. Le sensibilisme existait déjà avant le Déluge, elle recrée le monde selon son propre usage et sa propre mesure. La fonction du sensibilisme est la conscience de ce qui se produit, et de ne pas adopter sans hésitation les nouvelles tendances de l'Occident et de l'Orient. Des affiches du „Manifeste Sensibiliste” sont accrochées dans les années 1950 à Walbrzych, Wroclaw et Kazimierz Dolny. Le sensibilisme en tant que terme commence alors à se répandre d'abord au niveau régional, puis dans toute la Pologne, puis à l'étranger.


 

L'exposition  "L'Essence", Galerie d'Art El à Elblag

L'exposition "L'Essence", Galerie d'Art El à Elblag

Moscou et la percée artistique

Une étape importante pour l’oeuvre du peintre de 30 ans se produit lors d’un voyage à Moscou et à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) en 1962. L'artiste est très impressionné par la collection d'icônes russes anciennes dans les collections des musées locaux. L'art mystique byzantin inspire également la création de sa série Impressions de Moscou, qui est présentée en 1965 à l'Exposition nationale de la jeune peinture à Sopot. Les tableaux répètent la silhouette d'une croix et d'un rectangle rappelant la structure de composition des icônes. Ce ne sont pas des œuvres religieuses, bien que les icônes byzantines en aient sans doute été le point de départ. Comme le rappelle Kazimierz Glaz : De cette expédition, comme de la contrebande de valeurs, j'ai rapporté de nouvelles expériences qui m'étaient inconnues; l'anxiété, la fascination pour les choses invisibles et le besoin de regarder en dehors de la zone matérielle. Pour cette série, il reçoit l'un des principaux prix et une bourse annuelle de création du Ministère de la Culture, ainsi qu'une participation à la 4ème Biennale Internationale de Peinture de Paris. À cette occasion, Marc Chagall est ravi de découvrir ses peintures. Cette rencontre constitue un tournant dans la vie de Kazimierz Glaz, car à la demande de Marc Chagall, il reçoit le prix Erasmus, qui lui permet de séjourner et de travailler trois ans à l'étranger. Le jeune artiste est libre de choisir le pays de résidence et la devise de la bourse qu'il recevrait. Se trouvant déjà dans la Mecque de l'art, il choisit Paris comme lieu de résidence, bien qu'il ait également pensé à la Bulgarie et à la ville côtière et pittoresque de Nessebar, située sur une petite péninsule de la mer Noire.

 

"La Force du silence", lithographie, Musée de Silésie à Katowice

"La Force du silence", lithographie, Musée de Silésie à Katowice

Entre Paris et Vence

Après la Biennale de Paris, le sensibilisme passe à une seconde phase, se répandant dans les milieux artistiques de la capitale et du sud de la France, tandis que le travail de Kazimierz Glaz se rapproche de plus en plus de l'expression de sa propre vision. Pendant son séjour à Paris, jeune artiste demande à la Fondation Karolyi de lui organiser un séjour dans le sud de la France, notamment à Vence, où de jeunes artistes pourraient passer plusieurs mois dans de belles circonstances naturelles et développer leurs talents. Dès lors, l'artiste partagera les années 1966-1968 entre Paris et Vence. Kazimierz Glaz qualifie son séjour dans le sud de la France de "paradis", tant sur le plan climatique que géographique. À Vence et ses environs, la vie culturelle s'épanouit, grâce à laquelle il a l'occasion de participer à de nombreux vernissages et de rencontrer des peintres mondialement connus tels que Joan Miró, Max Ernst ou Marc Chagall, qu'il visite dans sa maison de Saint-Paul de Vence. Dès les premiers jours, il rencontre Witold Gombrowicz, qui était un écrivain reconnu internationalement et un compatriote polonais. Glaz avait lu ses livres auparavant et, comme il s'en souvenait des années plus tard, il lui semblait alors que Witold Gombrowicz était un classique qui n'était plus en vie depuis longtemps. Le jeune peintre devient un invité quotidien du "palais" du grand écrivain, malgré son attitude provocatrice envers la peinture (selon Gombrowicz, les peintures n’ont qu’une fonction décorative et „sont utilisées pour couvrir les trous dans les murs”). Dans l'une des galeries d'art de Vence, Kazimierz Glaz a sa propre exposition de peinture, là même où Marc Chagall a été exposé. L'exposition s'intitule "Lumière rythmique" ou „lumière rythmée”. Après l'ouverture, Witold Gombrowicz organise chez lui une petite fête pour le jeune peintre, car la galerie était située à côté de la Villa Alexandrine, où la comtesse Karolyi, fondatrice de la fondation, la comtesse polonaise Przezdziecka, Jozef Jarema et Maria Sperling, résidant à Nice, sont venus y assister ainsi que quelques autres artistes. Ils passent beaucoup de temps ensemble, et rencontrent souvent l'élite artistique locale, une période qui sera plus tard une source d'inspiration pour le livre Gombrowicz à Vence et autres souvenirs, dans lequel Kazimierz Glaz décrit ses contacts avec la bohème artistique de Vence et les émigrants de Pologne d'une manière légère, drôle, avec de nombreuses anecdotes.

 

Kazimierz Glaz (à droite), avec Jozef Jarema (au milieu) et Witold Gombrowicz (à gauche), l'exposition dans l'Espace Gombrowicza à Vence, photo Anna Lappo-Malosse

 
"Hommage à Gombrowicz" l'exposition dans l'Espace Gombrowicza à Vence, photo Anna Lappo-Malosse

En novembre 1968, alors que le financement de la fondation touche à sa fin, Kazimierz Glaz rencontre une famille canadienne en visite dans le Sud. Une mère, sa fille et son petit garçon l'invitent à déjeuner, par gratitude pour son aide dans les contacts locaux. La fille, au prénom de Laura, a étudié la littérature française et parle bien la langue. Cette connaissance se transforme vite en amitié et l'artiste est invité à Toronto, où vivent les Harris. Le séjour de quelques mois se prolongea jusqu’à aujourd’hui. Le nouveau couple envisage de rentrer dans le sud de la France, mais reste finalement au Canada.

 

La vie à Toronto

À Toronto, la vie suit son cours, avec une suite de bonnes et heureuses coïncidences. L'artiste peut ainsi poursuivre son travail de création dans l’esprit du sensibilisme. En 1969, il fonde le „Toronto Centre for Contemporary Art”, une fondation parrainée par le gouvernement fédéral qu'il dirige à ce jour, employant des artistes locaux pour son programme et créant les premières collections d'art communautaire dans les écoles. Au début de son séjour à Toronto, il est également professeur de graphisme et de dessin à la Faculté d'art de l'École technique centrale, ainsi qu'auteur et éditeur de livres bibliophiliques. Dans la peinture, il poursuit ses intérêts et recherche une valeur transcendantale, selon Kazimierz Glaz : La peinture est une convergence de diverses séquences d'événements; d'un véritable artiste on n'attend pas une anecdote ou une histoire, mais la vérité, l'artiste doit s'intéresser à un sujet donné et s'y consacrer, dans mon cas c'était le sensibilisme. L'abréviation, la synthèse et l'essence des choses sont importantes. Mes peintures sont, en quelque sorte, autobiographiques, car elles ont grandi avec moi à travers tous mes voyages dans le temps.

 

"Ésotérique. Approche III", gouache, Musée de Silésie à Katowice

"Colonne à Knossos", sérigraphie, photo Tomasz Glaz
 

Au fil des ans, l'artiste acquiert de plus en plus de reconnaissance à travers le monde, exposant ses œuvres au Canada, en France, en Allemagne, au Brésil, aux États-Unis et en Pologne. Il réalise des cycles consécutifs de lithographies d'Approche III - Esotherique, La force du silence, ainsi que des estampes, des peintures à l'huile et des gouaches d'Essence. Les œuvres abstraites ultérieures se caractérisent par la simplicité, la logique des arrangements de composition et où rayonnent la paix et la lumière.

 

Kazimierz Glaz

Passions et inspirations 

Chaque année est bien remplie; de la production créative, mais aussi des voyages et l’apprentissage de langues étrangères, qui sont la grande passion de l'artiste : Comme j'arrivais à avoir le temps dit de création rien que pour moi, j'ai pu voyager, généralement en été, partout L'Europe. Chaque année, je me rendais dans différents pays en avion et j'y passais 3 ou 4 mois, allant d'un endroit à l'autre. La connaissance des langues m'a été utile, et j'ai appris ces langues en hiver, afin de pouvoir les utiliser en été. Le contact avec les gens et la culture était ainsi plus étroit.

 

Kazimierz Glaz travaille tout le temps, est extrêmement actif, entretient de nombreuses correspondances avec des amis du monde entier et partage avec plaisir ses connaissances et ses expériences. Il a un talent narratif, raconte des histoires inhabituellement vives, intéressantes et anecdotiques. Il utilise son talent pour écrire des récits autobiographiques, dont certains ont été publiés dans la revue « Twórczość ». Il s'implique également dans l'éducation artistique des enfants et des adolescents, dans les écoles, où il crée les premières collections permanentes d'art contemporain. Il est soutenu par les parents et les élus locaux et reçoit les félicitations de P. E. Trudeau, le premier ministre du Canada.

 

"Colonne à Knossos", sérigraphie, photo Tomasz Glaz
 

Où peut-on admirer les tableaux de Kazimierz Glaz ?

Les œuvres de Kazimierz Glaz peuvent être vues dans les collections permanentes de nombreux musées en Pologne, y compris au Musée national de Wroclaw, au Musée de Silésie à Katowice, au Musée Witold Gombrowicz à Wsola, à la Bibliothèque Jagellonne de Cracovie, au Musée universitaire de Wroclaw et au Musée de l'archidiocèse de Varsovie.

 

Le travail de l'artiste peut également être admiré dans les musées du monde entier, par exemple au Musée d'art contemporain de Tokyo, au Metropolitan Museum de New York, au Museo de Arte Moderno de Barcelone, au Stedelijk Museum d'Amsterdam, au Museo d'Arte Contemporaneo de Sao Paulo, Staatliche Kunstsammlungen à Dresde, Art Gallery of Ontario à Toronto, Espace Gombrowicz à Vence ou encore dans la collection du Musée du Vatican.

 

 Bibliographie:

K. Glaz, Gombrowicz à Vence et autres souvenirs, Wydawnictwo Literackie, Cracovie 1989.

La page officielle de l’artiste https://sites.google.com/site/kazimirglaz/home.

Film: Entretien avec Kazimierz Glaz, compilé par Barbara Maron https://www.youtube.com/watch?v=IujST3cBMV4.

Correspondance entre Anna Lappo-Malosse et M. Kazimierz Glaz du 8 mai 2019 au 7 mai 2020.

 

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